Portrait de Stéphan Meynet : saison 2022 – 2023

Stéphan Meynet est chargé de mission Spectacles Vivants à l’Université Lyon 1. Il a en charge la programmation professionnelle et amateur du théâtre. Il en est également le directeur technique depuis de nombreuses années. Nous avons voulu en savoir plus sur la saison 2022 – 2023 qui est en préparation et sur l’avenir du théâtre.

Vous pouvez également écouter cette interview en intégralité :


  • Stéphan, quelle est, selon toi, l’identité du théâtre Astrée ? À quoi aimerais-tu que les gens pensent quand ils parlent du théâtre ? 

J’aimerais qu’ils pensent que c’est un théâtre où il y a de beaux spectacles et où ils ont plaisir à venir, tout en n’ayant pas à débourser une grosse somme d’argent.

J’aime bien travailler avec les compagnies locales, qui font du vrai travail de création pas toujours reconnu à sa juste valeur par les institutions, mais qui, par contre, est reconnu par le public. Je veux leur donner une visibilité, dans une salle plus grande que ce à quoi ils ont l’habitude de prétendre.

Les conditions sanitaires durant la saison 2021 – 2022
  • Peux-tu nous raconter comment s’est passée la réouverture en 2021 – 2022, notamment avec les contraintes sanitaires ?

Ça a évidemment posé quelques difficultés, mais on s’est adapté. Il y avait un contrôle du pass sanitaire à faire en amont de la billetterie, la mise en place du gel hydroalcoolique, les sens de circulation, la prise des coordonnés des spectateurs si un cas covid se révélait pour éviter un cluster… C’est de la logistique en plus, des plannings à modifier, à prendre en compte pour les répétitions, l’espacement dans les loges… On a essayé de tenir bon. Ça nous permet aussi de nous remettre en question sur le reste de nos pratiques. C’est toujours sain de ne pas se reposer sur ses lauriers, de chercher d’autres façons de travailler.

  • Et quel impact cela a eu sur l’organisation du théâtre ou même sur la fréquentation, par exemple ? 

On a pu le voir également dans d’autres lieux : le public a été plus frileux à revenir dans les salles, nous avons nous-aussi été touchés, même si par notre originalité, notre offre, on s’en est très bien sorti.

En fonction des périodes de réouverture, les solutions étaient différentes. Pour le festival Les Arthémiades en 2020, on a eu une offre entièrement numérique, alors que pour l’édition 2021, on a proposé des spectacles en streaming en direct en multi-caméra. On avait eu le nez de faire installer justement un réseau de prises pour faciliter ces manifestations bien avant la pandémie de covid 19, ainsi que l’achat d’un mélangeur vidéo [1]. Cela nous a permis de faire face à ces restrictions, même si – on est d’accord – le spectacle vivant est fait pour être vu en direct dans le même espace.

Villeurbanne, capitale française de la Culture 2022
  • Peux-tu nous parler du partenariat entre le Théâtre Astrée et la ville de Villeurbanne, dans le cadre de l’année Capitale française de la culture ?

Ce partenariat s’est dessiné en 2021, puisque c’est aux alentours du mois de mars que l’on a su que Villeurbanne serait Capitale française de la culture (VCFC) en 2022. On a réfléchi avec la municipalité, puis les membres de l’organisation qui a été mise en place, à ce que l’on pourrait faire. 

La première action a été de labelliser VCFC toute la programmation du Théâtre Astrée, parce que nos spectacles programmés s’adressent aux étudiants. Le projet de VCFC était Place aux jeunes, nous étions bien placés pour s’adresser à un public de jeunes.

De plus, nous avons mis en place des éléments spécifiques, par exemple la Semaine Pratique jeunes danseurs à l’intérieur de notre festival Chaos Danse où nous avons invité les écoles de danse à se produire.

En troisième lieu, nous avons a réfléchi à des séances scolaires alors que ce n’est pas notre champ d’action habituel. Cela se poursuivra en 2022 – 2023. D’ailleurs, l’année 2022 marque aussi les 400 ans de la naissance de Molière, on aura donc un temps fort d’ici la fin de l’année 2022 autour de Molière.

La programmation
  • Comment choisis-tu les spectacles programmés ? 

Les partenariats, de longues dates ou plus récents, permettent d’architecturer la temporalité de la saison. La saison professionnelle est placée de septembre à avril, puis le festival Les Arthémiades tout le mois de mai, les Gaming Series début juin, et enfin un dernier spectacle, en extérieur dans notre amphi plein air. Voici les différents éléments, saupoudrés avec quelques temps de résidence sur les semaines de vacances scolaires.

Dans notre saison professionnelle, il y a du théâtre, de la danse et de la musique. La danse fait l’objet d’une programmation bien spécifique, Chaos Danse, en mars et avril, avec en plus des spectacles au long cours à partir d’octobre, à raison d’un ou deux par mois.  

Une fois ces jalons posés dans notre saison, on s’occupe de chercher d’autres spectacles. La sélection se fait par plusieurs biais, mais en général, des compagnies me contactent, j’étudie le propos artistique, la complexité technique, les difficultés logistiques, la cohérence de l’ensemble, et enfin les enjeux qui ont pu m’être données en termes de cahier des charges, de citoyenneté, d’égalité – diversité…

Ce qui me guide personnellement dans le choix d’un spectacle, c’est l’émotion. Pour moi, ça reste quelque chose de fort. Un spectacle qui ne véhicule pas d’émotion, ça me pose toujours question. J’ai à cœur de travailler avec des compagnies locales, puisque le Théâtre Astrée a l’avantage d’être une grande salle, mais pas trop [2], et de donner potentiellement une belle visibilité à des compagnies qui veulent se développer. C’est important pour nous d’être ancrés dans cet écosystème culturel et artistique, de jouer notre rôle de diffusion.

Les Nouveaux Axes
  • La saison dernière, tu nous as parlé de la création des Gaming Series, comment le festival peut-il se développer ?

Cette année, nous avons mis en place un comité de programmation et d’organisation composé d’étudiants de Lyon 1. Il apparaissait naturel de proposer à Damien Dubief, qui était au cœur de l’aventure l’an dernier, de présider ce comité.

On a fait un appel à candidature en début d’année, auquel un certain nombre d’étudiants ont répondu, puis on a fait une sélection basée sur la motivation et la disponibilité. Il y a des personnes qui n’ont pas été retenues, non pas parce que le profil n’était pas intéressant, mais parce qu’on voulait constituer un comité assez resserré afin de faciliter les réunions, d’autant plus que la temporalité était un peu réduite.

Lors de la première édition, en 2021, nous avions rencontré beaucoup de contraintes techniques et logistiques. Évidemment, le comité étudiant se frotte aux mêmes problématiques. On leur demande d’apporter des idées, de réinventer les choses, de travailler autour d’une thématique donnée [3], mais ils doivent aussi répondre à toutes ces difficultés organisationnelles.

Un des enjeux des années à venir, c’est de leur donner les moyens, en temps, de s’organiser au mieux, pour établir des partenariats, pour faciliter la mise en place technique de ces Gaming Series. Parce que, forcément, qui dit jeux vidéo dit ordinateurs adaptés au gaming, un réseau internet fiable…

Comme n’importe quel festival, il va s’étoffer au fil des années. Le fait qu’on ait pu se reposer sur un comité étudiant nous permet d’être au plus près de ce qui peut intéresser leurs camarades.

  • Comptes-tu développer d’autres événements de ce genre au théâtre Astrée ? 

Il faut toujours de chercher de nouveaux axes, toutefois, le Théâtre Astrée est déjà fortement sollicité durant l’année. Notre saison est très riche, puis nous avons des locations en juin et juillet, pour des galas de danse par exemple. C’est important de jouer notre rôle de diffusion pour des écoles car leurs élèves sont peut-être de futurs artistes, qui se produisent sur notre scène et qui pourront, à leur tour, nous proposer des choses intéressantes quelques années plus tard. Il y a également des périodes de résidence pour des compagnies pendant les vacances scolaires. Dans ces conditions, la marge de manœuvre, ne serait-ce qu’au niveau des créneaux à proposer, est faible. Cela n’empêche pas de chercher des collaborations avec d’autres institutions, d’autres services de Lyon 1 : la mission Égalité – Diversité, l’Université Ouverte… Il y a plusieurs actions en cours de développement pour labelliser des événements, créer des synergies, optimiser des actions et éviter que chacun fasse son action dans son coin et que l’on manque de visibilité.

Un des défis à relever, c’est la communication, en interne auprès des étudiants et des personnels, et vers l’extérieur, auprès de Villeurbanne, de la métropole, de la région… C’est toujours compliqué, d’autant plus que l’on a un public partiellement volatile : les étudiants sont là quelques années puis ils partent une fois leurs études terminées. Pour nous, c’est important de se renouveler, de renouveler régulièrement la communication, dans la forme comme dans le message. C’est sans arrêt qu’il faut faire ce travail.

Ceci dit, c’est peut-être sur d’autres sites de l’Université Lyon 1 [4] qu’il faudrait trouver des ouvertures, mais les espaces ne sont pas forcément dédiés, il y a des problématiques de dates, de faisabilité… Même si les personnes impliquées sont partantes, les solutions ne sont pas évidentes. On travaille sur ces questions avec les élus étudiants. On avait une bonne collaboration avec leurs prédécesseurs, j’espère que ça se renouvellera avec eux.

On a eu aussi, cette année, la mise en place de la nouvelle forme de résidence annuelle que notre chargé de mission Culture, Jean-Marc Chovelon, a apportée. C’était un projet de résidence sur les insectes avec le laboratoire LBBE [5]. On a eu une fanfare en extérieure, l’Hommage à l’insecte inconnu, et puis le spectacle complet fera l’objet de l’ouverture de saison 2022 – 2023 [6].

La saison 2022 – 2023
  • Concernant la saison prochaine, à quoi devons-nous nous attendre pour la programmation 2022 – 2023 ?

À des surprises et à des choses assez habituelles, ce sont mes deux approches. D’une part, les partenariats de longues dates que l’on essaie de conserver ; et d’une autre, de nouveaux spectacles, de nouvelles compagnies.

Pour les nouveautés, je ne vais pas rentrer dans le détail, je dirais seulement que pour Chaos Danse, on a cette année encore un comité de pilotage avec les deux artistes associées de l’année précédente, Annabelle Bonnery et Natacha Paquignon, ainsi que Bastien Cambon en interne [7], qui a un regard extrêmement éclairé sur la danse, puisqu’il est chorégraphe et qu’il a dansé au ballet de Genève. On a une belle équipe pour travailler sur cette programmation Chaos Danse ! Je citerais une compagnie, la compagnie Parc. Pour l’ensemble du comité, c’est une date à ne pas rater, d’autant plus que l’on espère avoir deux de leurs spectacles : Percut et Kernel, c’est en négociation.

C’est comme un jeu de Tetris. En particulier cette année, car de nombreux spectacles ont bénéficié d’un report dans les saisons des différents théâtres. Ce n’est jamais évident de programmer une compagnie, car il y a plusieurs artistes qui travaillent en même temps dans plusieurs compagnies, et ces compagnies sont dépendantes d’autres théâtres, eux-mêmes dépendants des autres compagnies.

La programmation avance donc progressivement, en fonction des disponibilités : chaque pierre mise à l’édifice est une petite victoire. C’est ainsi que l’on fait une programmation, c’est une succession de petites victoires et de quelques défaites, aussi.

  • Que conseilles-tu aux étudiants parmi les spectacles de la programmation danse, pour la prochaine saison ?

Je viens de citer la compagnie Parc et reste sur cette affirmation. Sinon, Malacca [8] qui a fait le plein l’an dernier et à deux reprises. Ça parle à tout le monde, le public était enchanté, ça met du baume au cœur et ça reste qualitatif. C’est une de nos objectifs : mêler ce que l’on estime artistique, qualitatif, à du quantitatif. On est très contents avec Malacca car on arrive à toucher divers publics, à remplir la salle et à être satisfait de ce qui est proposé sur scène.

Après, on aura aussi Hervé Diasnas, un habitué du Théâtre Astrée, que l’on a reçu plusieurs fois. Il est aussi un habitué des milieux universitaires lyonnais.

  • Le Théâtre Astrée étant aussi ouvert sur la ville de Villeurbanne, donc à un public extérieur à l’Université, que conseillerais-tu également à ce public pour la saison prochaine ?

En tant que programmateur c’est toujours intéressant de se poser la question des différents publics que l’on reçoit. Il y a des choses que l’on va plus naturellement amener dans le but de toucher tel public plutôt qu’un autre. Notre objectif est que les publics se retrouvent et viennent voir tous les spectacles. Ce que j’ai dit pour le public étudiant est valable pour les extérieurs.

En dehors de la danse il y a toute la programmation théâtrale et musicale : soyez curieux, venez découvrir ce qu’il vous plaît, mais aussi ce qui vous pose question. Vous avez des doutes, c’est aussi ce qui est intéressant : prenez des risques sur ce que vous allez découvrir !

[1] Mélangeur vidéo : appareil électronique permettant de commuter entre plusieurs sources vidéo.
[2] La jauge du Théâtre Astrée est de 450 places
[3] Récits et jeux vidéo en 2022, Le Dixième Art en 2023
[4] L’Université Lyon 1 est présente sur le site de La Doua à Villeurbanne, ainsi que dans le quartier Gratte-ciel, sur le campus Rockefeller et Laënnec à Lyon 8e à Oullins avec le campus Santé de Lyon Sud.
[5] Laboratoire de biologie et biométrie évolutive.
[6] Insectes : histoires en (dés)équilibre, mardi 4, jeudi 6 et vendredi 7 octobre 2022
[7] Bastion Cambon est enseignant agrégé en danse à Lyon 1, chorégraphe et ancien danseur du ballet de Genève.
[8] Malacca, compagnie Voltaïk, vendredi 21 octobre 2022 à 19 h 19


Interview et transcription : Yasmine Hema
Montage sonore : Olivier Leydier
Rédaction : Justine Vincenti
Photo : Eric Le Roux – Université Lyon 1

Si vous souhaitez en savoir plus sur Stéphan et son parcours, vous pouvez relire ou réécoutez l’interview de la saison 2020 – 2021 qui revient plus longuement sur ce sujet.